Salut, salut à toi l'amie qui t'es débarrassée de ta carapace terrestre, salut à vous ce couple qui faisait envie. C'est ainsi que je vous ai connus, deux scientifiques en vacances qui s'adonnaient à leurs amours, amour de l'écriture pour lui, amour des couleurs pour toi, et pour tous deux amours de la musique et de la joie, amour des autres. Ainsi vous nous proposiez des livres, des disques, et ces magnifiques tentures à transformer une maison. Dans une assemblée parfois timide où l'on se regardait de loin sans savoir comment se rencontrer, dans une réunion parfois morose, vous sortiez vos instruments de musiques, passiez de l'un à l'autre, finissiez par choisir un morceau en vous regardant, et alors les regards s'éclaircissaient, les pieds commençaient à s'agiter, les bouches à sourire, bientôt tout le monde fredonnait et la journée repartait dans la joie et l'échange.
Un été tu étais différente, tu t'isolais au dehors à marcher sous les arbres, ton sourire était forcé, on avait l'impression de te gêner. Dépression? Vous aviez pris votre retraite, vous étiez installés dans la ruralité, ce n'est pas toujours facile même quand on l'a choisi. Mais l'été suivant, tu nous reconnaissais à peine, tu hésitais sur ton accordéon. Petit à petit, tu t'es éloignée, nous demandant poliment qui nous étions et ce que nous faisions, puis ne demandant plus rien. Pendant cinq ans, il s'est occupé de toi, rattrapant d'abord tes oublis, puis en faisant tout pour deux, en te protégeant de toi; il t'emmenait partout, et même si tu n'étais pas vraiment là; si tu ne jouais plus ni ne chantais ni ne dessinais, tu étais là quand même et tout en chantant il te regardait en souriant. Cinquante ans de vie commune, et ainsi ça existe l'amour jusqu'au bout et malgré tout. Il va continuer à écrire, à chanter, à illuminer les assemblées, et toi tu seras là, quelque part, une présence chaleureuse. Alors à bientôt