Ma journée commence en charchant ma voiture à tâtons, dans le noir de ce petit village où aucun coq ne chante, ni aucun mouton ne bêle, l'agriculture est devenue moderne. Prendre le volant avec la perspective de rouler dans la nuit pendant une heure, et plus la saison avance, plus cette heue s'allonge. Rejoindre la grand route et circuler en baillant, derrière une voiture et devant une autre, ces engins devenus laids et sans passion qui nous permettent de nous soumettre aux lois du capital, travaillez, consommez et taisez-vous.M'agacer en entendant à la radio le philosophe branché défendant le racisme, le penseur qui ne sait plus penser et est donc médiatisé. M'arrêter devant un passage à niveau, regarder défiler une vingtaine de wagons de marchandises, sales et ne se distinguant que par les tags. Que transportent-ils? Des marchandises sur lesquelles se rueront les clients d'un supermarché? Les machines outils d'une entreprise qui s'est vendue à l'est? Des cadavres d'immigrés? Se souvenir de ces trains majestueux, remplis de voyageurs, déchiffrer les destinations des différents wagons sur les pancartes, saluer les personnes qui étaient à la fenêtre. Quelquefois, c'était le train lui-même qui donnait sa destination, comme le Paris-Toulouse que j'aimais tant. On rêvait à ces villes d'ailleurs, on rêvait au voyage lui-même où l'on rencontrerait tant d'inconnus, des hommes en costume sérieux lisant le journal, des plaisantins faisant rire tout le couloir, des dames bien maquillées, des enfants avec qui on pourrait parler, des gentils vieux qui donneraient des bonbons,...On se croisait, on se regardait, on se rapprochait en ces temps là où l'on était curieux des autres.
Rêvasser à ces voyages du temps passés, les canaux où se prélassaient des péniches.Les villes que l'on abordait avec excitation, tien là les toits étaient en ardoise, et là les maisons étaient en pierre rouge, et là la végétation n'était plus la même, les architectures différaient, les églises devenaient gothiques par ci, romanes par là. Un jour, on reviendrait pour visiter. Maintenant, des villes travers&ées on ne voit que les mêmes zones commerciales, avec les mêmes magasins de chaussures et les mêmes jardineries. Les villages où l'on pouvait s'arrêter dans un café pour prendre une boisson et savourer l'accent inconnu. Se dire que la région était attirante, et pourquoi pas y passer quelques jours de vacances? Maintenant , la route se détourne des villages.
On rêvait aussi dans la ville, dans des quartiers qui dépaysaient, dans d'autres pleins de belles vitrines on rêvait devant les passants, on remarquait une belle silhouette, une vêture originale, un air triste, un échange joyeux. Les villes sont maintenant bétonnées et plates, abritent des banques et des assurances, les porches se sont fermés, les impasses ont été détruites, et les passants passent, gris et rigides, un téléphone à la main, une oreillette à l'oreille. Rien à regarder, rien à rêver...
Et malgré tout on continue à vivre. Et malgré tout la vie est là, loin du béton et de la raison triste. Aujourd'hui, elle m'a fait deux clins d'oeil. Mon pote le hasard m'a remis en contact avec une copine perdue de vue. Et elle m'apprend qu'elle a un cancer assez hard, et pour se soigner est venue s'installer à une vingtaine de kilomètres de chez moi, et je pourrai aller la voir. Ce soir, miracle, j'ai assisté à la naissance d'un beau et grand papillon. Après quelques sautillements, il s'est envolé sans hésitation vers le soleil. Noir et rouge, les couleurs de la révolte, un 18 octobre. La vie est toujours là.
Commentaire de bipolaire (18/10/2013 20:56) :
Venus des Caprices, sont tous ces Bons Temps repassés à l'oeil dans l'eau
des pluies acides, juste en sauvegarde de nos ultimes nostalgies...
DSMoon***
Les fugaces *étoiles du temps* et autres *instants présents* ne
réveilleront jamais le Mont Chauve où dansent les meilleures sorcières, en
vieille nostalgie héritée d'un père (ou d'un grand-père) qui n'aura jamais
pu voir passer les nouveaux trains... Juste nous reste à vivre nos derniers
instants présents, à en sublimer nos rêves les plus décalés, sans en faire
trop de victimes collatérales, juste nous reste à apprendre à vivre sans
casser ou ruiner d'autres vies aussi fragiles que ce qu'est devenu la
nôtre...
Gently yours, DSMoon***
enfin, vous revoilà... J'étais partie aussi loin, loin dans le "val
d'Argent" (ancienne cité minière de l'Alsace : mines d'argent) et je
retrouve avec une certaine joie la vie quotidienne avec son confort
technologique.. Mais dieu - s'il existe - qu'il était agréable de voir deux
écureuils (marrons, oui marrons, pas roux ni argentés, mais marrons) deux
fois par jour venir se servir dans leur "supermarché", le noyer qui
ombrageait agréablement, les jours de plein soleil, notre coin repas plein
air... d'écouter les oiseaux chanter et d'entendre fin septembre, début
octobre le cerf bramer pour attirer les femelles croisées sur mon chemin,
me toisant de leurs yeux bordés de khôl.. Nous étions toutes quatre
pétries, figées sur place, à nous surveiller et je ne bougeais pas une
oreille pour ne pas les effaroucher... les yeux dans les yeux, nous nous
sommes jaugées et elles tournèrent casaque, sans peur. et je pus continuer
à vagabonder sur les sentes des immenses forêts d'épineux...pour
photographier au plus près les amanites tue-mouche, bolets,
girolles....pieds de mouton... moi la citadine j'en étais esbaudie.
j'humais l'odeur humide de la forêt quand j'allais sur les toilettes sèches
au bout du chemin non goudronné...Si j'ai vos révoltes, je n'ai guère la
nostalgie des temps passés ou alors, juste pour me souvenir des bons
moments et gommer les tragiques... J'ai presque toujours vécu en ville ;
villes aux parcs multiples, pas trop asphaltées... je m'y suis très bien
adaptée, comme j’ai profondément goûté la joie de me ressourcer en forêt,
en campagne où tintaient les clarines des vosgiennes, race robuste de
vaches habituées au climat assez rude des montagnes. Pas d'eau au
robinet... eau de source fraîche, très fraîche coulant en un long jet
continu dans une auge en grès rose... Mais j'avais connu, antan, le manque
de confort, l'eau sur le pallier pour 4 appartements, les toilettes sur le
même étage ou au rez-de-chaussée pour l'immeuble entier.. je vais sur mes
71 ans et je fais encore des projets et je rêve d'impossibles utopies :
voir l'être humain devenir enfin intelligent et bon envers son alter ego...
Mille excuses sans nul pardon à poser ici, en marge des commentaires postés
par la bande: Juste en resterai bien heureux d'avoir commenté des sagesses
aléatoires avec un simple et sublime *Love in vain* avec Taylor et Jagger,
mes deux Mick taillés à la mesure de Keith Richards..!:) Nos meilleurs
moments sont souvent des étoiles filantes, juste comme nos amours à faire
et à passer sa vie à oublier après, et c'est çà la vraie vie..!
Commentaire de francettedenbas (27/10/2013 10:42) :
Et pourquoi donc oublier ses amours, ne sont-ils pas la meilleure chose que
la vie nous donne? Et aussi la plus tragique? Il y a des gens qui n'ont
jamais connu la joie d'être aimés.Et d'autres peut-être plus malheureux
encore, qui ne sont pas capables d'aimer...
Luky, merci pour votre texte.Ce n'est pas de la nostalgie que j'éprouve,
mais le regret qu'il n'y ait plus trop, dans les endroits urbanisés,
d'incitations à rêver. Ce ne sont pas les zones commerciales, toutes les
mêmes à l'abord des villes, qui vous nous y aider, ni les panneaux
publicitaires, ni à la radio les sempiternelles recommandations pour nous
dire qu'il faut nous protéger de ceci ou cela.
Moi aussi j'ai connu les wc communs sur le palier, et alors? Ce n'était pas
l'inconfort (sauf quand il fallait attendre et que ça urgeait), on se
croisait parfois en robe de chambre, on râlait après celui qui n'avait pas
nettoyé, et l'on était conscient d'être un humain qui a ses besoins
organisques oomme tout animal...
Il est donc facile de se remémorer des galères, quand il fait si bon
aujourd'hui, une fois la bohème classée dans nos nostalgie, et parfois dans
nos amours inoubliables, juste pour ne pas troubler l'eau du lac qui nous
noiera un jour, à l'aube d'un beau matin attendu depuis si longtemps..!:)